
De peur pour une échappée belle
Je vous emmène en promenade. Une promenade intrigante, une promenade effarouchante, une promenade d’automne aux lumières chaudes et réconfortantes.
Je vagabonde dans les chemins forestiers, les feuilles tapissent le sol, ramollies par le gel et la rosée, les pas s’enfoncent dans une moquette amortissant mes lourdes chaussures. Une campanule, esseulée, arrête mon regard. Par transparence, ses stigmates me font le clin d’œil d’un triskell, clin d’œil d’une Bretagne lointaine de 1000 km.
Depuis que ce milieu a été baptisé Espace Naturel Sensible, je ne l’ai jamais vu autant être « nettoyé ». C’est comme si être sensible voulait dire s’en préoccuper davantage au point de faucher les abords des chemins profitant aux VTTistes et aux New Balances et autres semelles. La nature (serait-elle) malade de sa gestion comme le dit Jean-Claude Genot. Les orchidées n’ont pas à empiéter sur le chemin des humains, les ronces au garde à vous, les feuilles soufflées loin des arbres mères. Heureusement, une parcelle a été seulement quadrillée d’un chemin pour riverains et des rescapées s’abandonnent aux mouches encore présentes malgré un froid paralysant. C’est un moment agréable, en quête du moindre soupir de vie. Ce silence nous donne raison dans notre besoin d’inactivité en cette période mais le tumulte du quotidien nous avale sans pouvoir dire stop … nous risquons de n’être plus dans le mouv’.
Le soleil timide, rapidement caché par la forêt, nous encourage à prendre le dénivelé pour rejoindre les champs cultivés à découvert où la lumière brille encore pour une heure. Sortie de ce nuage de pluie effeuillée, un pigeon sur un champ dénudé prend son envol effrayé par ma soudaine apparition et par ricochet, j’exprime sans retenue un sursaut accompagné par un assaisonnement d’injures d’un chasseur à qui je venais de faire échapper une proie facile à contre jour, à contre vent.
D’un mauvais œil, il m’a accompagnée dans une fuite. Je me suis même surprise de m’excuser … quelle horreur. Assez bouleversée, je profite d’un projecteur qui se couche pour de loin le cadrer, en joue, je le prends en photo dans cette campagne lisière du périurbain où le moindre gibier a des cartouches aux fesses.











