
Tu es qui tu vas
Tu es qui tu vas. Cet appétit de tuer qui menace de nous engloutir, on le sent dans les chairs de la terre, dans l’embrasement du Pyrocène, quand le feu ne chauffe plus, il dévore.
L’érosion mord les rivières, la pollution voile le ciel, le monde tousse, le vivant meurt.
Mais j’ai espoir quand je vois la clématite sauvage s’enlacer sans effort là où on ne la souhaite pas. Quand l’insecte me mate, à sa place sur cette terre que je crois mienne. Quand les feuilles tombent, lentement, preuve qu’il y a encore des saisons. J’ai espoir dans la campanule qui ploie sans rompre, dans le gratteron insolent qui saura m’énerver, dans le sumac étranger qui incendie le ciel de rouge.
À force de tirer, de désherber, les phrases criblées de trous s’appauvrissent de mots. Même notre langue perd en diversité. Alors que les mots veillent dans l’ombre, des mots qui respirent quand tout retient son souffle, des mots-racines, des mots-lianes, des mots-pollens qui voyagent dans l’ignorance des frontières et des guerres.
La poésie sont ces mots mais elle est perçue comme étrangère, elle est cette langue, cette brûlure douce et tenace, elle cautérise l’inadmissible, elle refuse le silence comme on refuse l’effacement. Elle agace ceux qui veulent le pouvoir, elle est cette adventice qui ne doit pas encombrer le chemin de l’aveugle.
La poésie n’est pas fleuriste. Elle ne pare pas les blessures de jolis bouquets. Elle cueille des fleurs au désastre, des tiges de vie volées à la terre, et elle les tend à ceux qui refusent de fermer les yeux sur les crimes que nous infligeons à tout ce qui respire, à tout ce qui est Terre.
Et toi, vivant, Ne serais-tu pas qui tu vas


























